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Page:Sand - Les Maitres sonneurs.djvu/392

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Enfin nous étions à la porte de Brulette sur les dix heures du soir, et le père Brulet dormait en son lit, quand la joyeuse compagnie entra dans la chambre. Comme il était pas mal sourd et dormait dur, Brulette coucha le petit, nous servit un bout de collation, et se consulta avec nous sur le réveil qu’on lui ferait, avant qu’il eût fini son premier somme.

À la fin il se retourna de notre côté, vit la lumière, reconnut sa fille et moi, s’étonna des autres, et, s’asseyant sur son lit, d’un air aussi sérieux qu’un juge, écouta le discours que lui fit un peu haut et en peu de paroles, mais bien honnêtement, le grand bûcheux. Le carme, en qui le père Brulet avait toute confiance, y ajouta l’éloge de la famille Huriel, et Huriel déclara son inclination et tous ses bons sentiments pour le présent et l’avenir.

Le père Brulet écouta le tout sans dire un mot, et j’avais crainte qu’il n’y eût rien compris ; mais encore qu’il parût rêver, il avait son entendement libre et répondit en homme sage, qu’il reconnaissait très-bien dans le grand bûcheux le fils d’un ancien ami ; qu’il faisait grand état de toute la famille ; qu’il estimait le frère Nicolas digne de foi, et que, par-dessus tout, il se fiait à l’esprit et au fin jugement de sa petite-fille. Selon lui, elle n’avait pas tant retardé son choix et refusé de si beaux partis, pour finir par une sottise, et puisqu’elle souhaitait épouser Huriel, Huriel devait être un bon mari.

Il parlait d’une manière avisée, et pourtant sa mémoire lui faisait défaut sur un point qui lui revint au moment où nous nous retirions ; c’est qu’Huriel était un muletier :

— Et c’est là, dit-il, le seul point qui me fâche… Ma petite-fille s’ennuiera donc seule à la maison les trois quarts de l’année ?

On le consola bien en lui apprenant qu’Huriel avait quitté son état pour se mettre au fendage, et il agréa