Page:Sand - Les Maitres sonneurs.djvu/410

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

— Taisez-vous ! s’écria la Mariton, rouge et tremblante de colère et de chagrin, comme elle était toujours quand on accusait Brulette. Je voudrais que toutes vos méchantes langues fussent arrachées et clouées à la porte de l’église !

— Parlons plus bas, dit un des jeunes gens ; vous savez bien que la Mariton n’entend pas qu’on médise de la bonne amie à son Joset. Les belles se soutiennent entre elles, et celle-ci n’est pas encore trop mûre pour perdre sa voix au chapitre.

Joseph s’évertuait à comprendre de quoi on l’accusait ou le raillait.

— Explique-moi donc ça, me disait-il en me tiraillant le bras. Ne me laisse pas sans défense ou sans réponse.

J’allais m’en mêler, encore que je me fusse interdit d’entrer dans aucune dispute où ne seraient point le grand bûcheux et son fils, lorsque François Carnat me coupa la parole :

— Eh mon Dieu ! fit-il à Joseph en ricanant, Tiennet ne t’en dira pas plus que je t’en ai écrit.

— C’est donc de cela que vous parlez ? dit Joseph. Eh bien, je jure que vous êtes un menteur, et que vous avez écrit et signé un faux témoignage. Jamais…

— Bon, bon, reprit Carnat. Tu as pu faire ton profit de ma lettre, et si, comme l’on croit, tu étais l’auteur de l’enfant, tu n’as pas été trop sot d’en repasser la propriété à un ami. C’est un ami bien fidèle, puisqu’il est là-haut occupé à te soutenir dans le conseil. Mais si, comme je le pense, moi, tu es venu pour réclamer ton droit, et qu’on te l’ait refusé, ainsi qu’il résulterait d’une scène bien drôle qui a été vue de loin et qui a eu lieu au château du Chassin…

— Quelle scène ? dit le carme. Il faut vous expliquer, jeune homme, car j’en étais peut-être le témoin, et je veux savoir de quelle manière vous racontez les choses.