Page:Sand - Les Maitres sonneurs.djvu/423

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

j’avisai jusque dans la maison du père Bégneux, qui était la seule habitation où ils auraient pu entrer. On y dormait bien tranquillement, et, soit dans les sentiers, soit dans le découvert, il n’y avait ni bruit, ni trace, ni aucune apparence de personne vivante.

J’augurai donc que la sonnerie mécréante était entrée dans le cimetière pour y faire quelque mauvaise conjuration, et, sans en avoir nulle envie, mais résolu à tout risquer pour les parents de Thérence, je repassai la poterne et rentrai dans la maudite rouelle aux Anglais, marchant doux, me serrant au talus dont je rasais quasiment les tombes, et ouvrant mes oreilles au moindre bruit que je pourrais surprendre.

J’entendis bien la chouette pleurer dans les donjons, et les couleuvres siffler dans l’eau noire du fossé ; mais ce fut tout. Les morts dormaient dans la terre aussi tranquilles que des vivants dans leurs lits. Je pris courage, pour grimper le talus et donner un coup d’œil dans le champ du repos. J’y vis tout en ordre, et de mes sonneurs, pas plus de nouvelles que s’ils n’y fussent jamais passés.

Je fis le tour du château. Il était bien fermé, et comme il était environ les dix heures, maîtres et serviteurs y dormaient comme des pierres.

Alors je retournai au Bœuf couronné, ne pouvant m’imaginer ce qu’étaient devenus les sonneurs, mais voulant faire cacher mes camarades dans la ruelle aux Anglais, puisque, de là, nous verrions bien ce qui arriverait à Joseph, à l’heure du rendez-vous donné à la porte du cimetière.

Je les trouvai sur le pont, délibérant de s’en retourner chez eux, et disant qu’ils ne voyaient plus aucun danger pour les Huriel, puisqu’ils s’étaient si bien entendus avec les autres dans le conseil de maîtrise. Pour ce qui regardait Joseph tout seul, ils ne s’en souciaient point et voulurent me détourner d’y prendre part. Je leur remontrai qu’à mon sens c’était dans les