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Quatrième veillée

sonnes en qui j’ai confiance connaissent mon flûter. Je veux donc que Brulette vienne ici demain soir, parce que nous y serons tranquilles tous les trois. Je sais que tes parents partent le matin pour aller en pèlerinage, rapport à la fièvre de ton frère cadet ; tu seras donc seul dans ta maison, qui est si bien éloignée dans la campagne que nous ne risquons pas d’être entendus. J’ai averti Brulette, elle est consentante à sortir du bourg à la nuit ; je l’attendrai dans le petit chemin, et nous viendrons ici te trouver sans que personne s’en avise. Brulette compte sur toi pour ne jamais parler de ça, et son grand-père, qui veut tout ce qu’elle souhaite, y est consentant aussi, moyennant ta parole, que j’ai donnée d’avance.

À l’heure dite, j’étais devant ma porte, ayant poussé toutes les huisseries pour que les passants (s’il en passait) me crussent couché ou absent, et j’attendais l’arrivée de Brulette et de Joseph. On était alors au printemps, et, comme il avait tonné dans le jour, le ciel était encore chargé de nuages très-épais. Il faisait de bons coups de vent tiède qui apportaient toutes les jolies senteurs du mois de mai. J’écoutais les rossignols qui se répondaient dans la campagne aussi loin que l’ouïe pouvait s’étendre, et je me disais que Joseph aurait grand’peine à flûter aussi finement. Je regardais au loin toutes les petites clartés des maisons s’éteindre une à une dans le bourg ; et environ dix minutes après que la dernière fût soufflée, je vis arriver devant moi le jeune couple que j’attendais. Ils avaient marché si doucement sur les herbes nouvelles, et si bien côtoyé les grands buissons du chemin, que je ne les avais ni vus ni entendus approcher. Je les fis entrer chez nous, où j’avais allumé la lampe, et quand je les vis tous deux, elle toujours si coquettement coiffée et si quiètement fière, lui toujours si froid et si pensif, je me représentai mal deux amoureux enflammés de tendresse.

Pendant que je causais un peu avec Brulette pour lui


M.S.
D