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les sept cordes de la lyre

cette lyre magnétique. Soyez sûr qu’il y a, entre elle et la folie de votre pupille Hélène, un rapport qu’il est de votre devoir d’éclaircir et de faire connaître. Autrement, le public imbécile s’emparera d’un fait naturel pour accréditer ses superstitions. On dira qu’il s’est passé dans votre maison des choses diaboliques, et votre silence sera une sanction des contes absurdes qu’on débite déjà. La magie était passée de mode ; mais le peuple n’en a pas perdu le goût, et des esprits distingués aiment à ressusciter ces vieilles croyances sous d’autres noms, croyant faire du neuf et sortir de la routine philosophique.

Albertus. Vous avez raison. Mes meilleurs élèves sont les premiers à accepter toutes ces extravagances. Je poursuivrai l’expérience ; et, pour commencer…, je vais ôter les deux cordes d’argent, mais avec précaution, afin de voir, en les remettant plus tard, si Hélène recommence le chant de ce soir.

Méphistophélès. Tournez les chevilles tout doucement. (Albertus touche la première corde d’argent, qui se brise aussitôt qu’il y porte la main.)

Albertus. Ô ciel ! déjà brisée ! Il semble que mon intention suffise sans le secours de ma main !

Méphistophélès. Je vous avais prévenu. Cet instrument est d’une délicatesse extrême. La sympathie le gouverne.

Albertus. Comme tout à coup le ciel est devenu sombre !… Voyez donc, maître Jonathas, la lune est cachée sous les nuages, et l’orage s’amoncelle sur nos têtes.

Méphistophélès, riant. C’est sûrement l’effet de cette corde cassée. Je ne vous conseille pas de toucher à l’autre.