Page:Sand - Les Sept Cordes de la lyre.djvu/138

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
128
les sept cordes de la lyre

de la mer avec des roues brûlantes, et la rend docile comme la plaine au tranchant de la charrue ! — Et maintenant, écoute ! Ces myriades d’harmonies terribles ou sublimes qui se confondent en un seul rugissement plus puissant mille fois que celui de la tempête, c’est la voix de l’industrie, le bruit des machines, le sifflement de la vapeur, le choc des marteaux, le roulement des tambours, les fanfares des phalanges guerrières, la déclamation des orateurs, les mélodies de mille instruments divers, les cris de la joie, de la guerre et du travail, l’hymne du triomphe et de la force. Écoute, et réjouis-toi ; car ce monde est riche, et cette race ingénieuse est puissante !

Wilhelm. Ô mon maître ! l’heure et le lieu inspirent Hélène ! Jamais la lyre n’a été plus sonore, jamais le chant n’a été plus mâle, et l’harmonie plus large ou plus savante.

Albertus. Oui, maintenant enfin, je comprends le langage de la lyre. La vie circule dans mon sang et embrase mon cerveau du feu de l’enthousiasme. Il m’a semblé que je voyais au delà des bornes de l’horizon, et que j’entendais la voix de tous les peuples se marier à une voix éloquente émanée de mon propre sein.

Wilhelm. Maintenant, Hélène touche la lyre ; notre émotion sans doute va changer de nature ; écoutez bien !

Hélène, jouant de la lyre. Ô Esprit ! où m’as-tu conduite ? Pourquoi m’as-tu enchaînée à cette place, pour me forcer à voir et à entendre ce qui remplit mes yeux de pleurs et mon cœur d’amertume ? Je ne vois au-dessous de moi que les abîmes incommensurables du désespoir, je n’entends que les hurlements d’une