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les sept cordes de la lyre

albertus. Encore un mot ! Vous avez une telle foi dans la puissance incompréhensible de ce talisman, que vous oseriez me promettre de semblables résultats ?… Le manuscrit d’Adelsfreit s’arrête à la corde d’acier…

méphistophélès. Depuis quand ajoutez-vous foi à la sorcellerie ? Ne voyez-vous pas que tout ceci est un jeu ? Quand vous avez cru qu’Hélène jouait de la lyre avec sa pensée, vous aviez sur les yeux une taie qui vous empêchait de distinguer ses mains ; quand le ruisseau s’est arrêté à son commandement, le meunier fermait l’écluse, quand la lyre est tombée du haut de la cathédrale sur le pavé, un corbeau l’a saisie au vol et l’a déposée tout doucement par terre. Tout s’explique par des faits naturels. Je ne conçois pas qu’on se rompe la tête à chercher le mot d’une énigme, quand la première explication venue est aussi bonne que toutes les autres. Bonsoir, maître, pour la dernière fois ! (Il redevient invisible pour Albertus, et reste auprès de lui, appuyé sur le dos de son fauteuil.)

albertus. Non ! tout ceci n’était pas explicable par le hasard. Les prodiges accomplis par la lyre peuvent s’accomplir encore, et, tous les jours, nous recevons du ciel des bienfaits qui dépassent la portée de notre intelligence ; celui-ci peut-être m’était réservé, de donner le bonheur et de le recevoir en empruntant à la lyre une éloquence inconnue et une puissance sympathique… Oh ! rendre la raison à Hélène, et en retour être aimé d’elle ! (Saisissant la lyre.) O lyre ! est-il possible que tu puisses opérer un tel miracle, et que ta dernière corde, docile enfin à mes doigts inhabiles, me révèle la poésie, la grâce, l’enthousiasme et toutes les puissances de la séduction ? Lorsque tu vibreras