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lettres à marcie

Vous êtes un holocauste nécessaire ; vos larmes ne tomberont pas en vain sur cette page de l’histoire religieuse. Ces larmes précieuses des âmes mystiques fécondent un germe de salut. Vous n’êtes point impie pour avoir donné accès en vous au scepticisme du grand poëte. Byron est entre le passé et l’avenir de la foi un lien rude et sanglant, mais entier et solide. C’est un de ces ponts d’enfer qu’on rencontre dans les montagnes près des cimes, et qui sont jetés sur des gouffres. Ils sont perdus dans les nuées du ciel autant que dans la fumée des cataractes, et, quoique ébranlés par la furie du torrent, ils ne sont point emportés et scellent les deux lèvres de l’abîme par un arc de granit. On les traverse en tremblant ; quelques-uns y sont saisis de vertige et se précipitent d’en haut ; d’autres disent : « Il faudrait briser ce pont, œuvre téméraire, insensée, impie, qui leurre le voyageur et brave les éléments. » Mais ces esprits faibles ne songent pas qu’il faut arriver à l’autre bord. Car, dans ce pèlerinage des temps, il n’est pas permis de reculer, et les chemins qui vous conduisent sont enlevés par les orages aussitôt que vous y avez passé. Traversez donc hardiment. Le scepticisme est le défilé périlleux que nous ne sommes plus libres de tourner ; les hommes sans tête et sans cœur y périssent, les hommes vaillants et forts s’y engagent sans se demander comment ils en sortiront ; ils portent l’arche d’alliance des générations futures, et la voix du Seigneur leur crie d’avancer sans regarder à leurs pieds.

Eh bien, il est vrai, nous n’avons plus de culte, nous prions sur les montagnes et dans les forêts, car nos temples sont renversés et profanés. Nous errons parmi les abîmes, et nous les franchissons souvent