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les sept cordes de la lyre

qui vous ressemblent, soit dans le passée soit dans le présent ; par une généreuse patience envers ceux qui vous nient ou vous persécutent, vous vous êtes emparé de mon cœur, et vous avez mis d’accord en moi les besoins de la raison et ceux du sentiment. Que voulez-vous de plus de moi, maître ? Si vous avez un disciple plus dévoué, plus respectueux, plus affectionné, préférez-le à moi ; car celui-là qui vous comprend le mieux est celui qui vous ressemble le plus, et celui-là est le meilleur d’entre nous. C’est peut-être Wilhelm, c’est peut-être Carl. Bénissez-les, mais ne me maudissez pas ; car je vous aime de toute la puissance de mon être.

albertus. Mon enfant, mon enfant, ne doute pas de ma tendresse pour toi. Doute plutôt de ma raison et de ma science. Maintenant, parle… tu as des idées…

hanz. Les voici. L’humanité est un vaste instrument dont toutes les cordes vibrent sous un souffle providentiel, et, malgré la différence des tons, elles produisent la sublime harmonie. Beaucoup de cordes sont brisées, beaucoup sont faussées ; mais la loi de l’harmonie est telle que l’hymne éternel de la civilisation s’élève incessamment de toutes parts, et que tout tend à rétablir l’accord souvent détruit par l’orage qui passe…

albertus. Ne saurais-tu parler autrement que par métaphore ? Je ne puis m’accoutumer à ce langage.

hanz. J’essayerai de prendre le vôtre. Nous concourons tous à l’œuvre du progrès, chacun selon ses moyens. Chacun de nous obéit donc à une organisation particulière. Mais nous avons une telle action les uns sur les autres, que l’on ne peut supposer un individu en dehors de toute relation d’idées avec ses semblables sans supposer un individu existant dans le