Page:Sand - Les Sept Cordes de la lyre.djvu/63

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
53
les sept cordes de la lyre

Méphistophélès, à part. Oui, oui, à ton aise, je ne demande pas mieux. (Le maestro veut prendre la lyre.)

Le peintre. Ah ! de grâce, un instant !…

Le maestro. Mais à quoi vous amusez-vous donc là, mon cher peintre ? ne perdez pas le temps à faire autre chose.

Le peintre. Qu’est-ce que vous dites ? Vous ne voyez pas mes deux sirènes ? Il me semble que j’ai saisi la courbe avec le sentiment de la chose.

Le critique. Facétieux ! Vos deux satyres ne sont pas mal ; mais j’aime mieux les sirènes. Pourquoi, d’ailleurs, des satyres sur un pareil instrument ? LE PEINTRE. Voilà la véritable manière du critique. On lui donne à juger un poëme héroïque, et, quand il désespère d’y trouver à mordre, il taille sa plume et il écrit : « En tant que poëme, celui-ci renferme certainement quelques beautés ; mais, si nous le considérons (comme nous devons et comme nous voulons le considérer) sous le rapport général de la géométrie et des sciences naturelles, nous sommes forcé de le classer au-dessous de tout ce qu’il y a de plus médiocre en ce genre, » etc., etc. (Au maestro.) C’est cela, n’est-ce pas ?

Le maestro. De quoi parlez-vous ? de la critique ou de votre dessin ?

Le peintre. Laissons la critique, je m’en moque. — Mes sirènes, ah !…

Le maestro. Vos satyres ?…

Le peintre. Vous aussi ? Bien ! courage !… C’est égal, elles sont parfaites.

Le critique. Vous avez la fantaisie de faire des satyres au lieu de sirènes ; il ne faut jamais discuter sur la fantaisie de l’artiste ; mais à quoi bon regarder