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les sept cordes de la lyre

L’ESPRIT DE LA LYRE. Eh quoi ! mes frères, déjà ! Que voulez-vous que je devienne sans vous dans mon cercueil d’ivoire ? Que puis-je dire à une fille des hommes ? elle n’entendra pas mon langage. Oh ! je tremble, je souffre, je pleure !

HÉLÈNE, s’interrompant et se levant avec énergie. Tu as parlé ! Tu as dit : Je souffre ! je pleure ! Qui donc es-tu ?

LA JEUNE FILLE, à l’amateur. Voyez si c’est un automate.

ALBERTUS. Hélène, c’est assez ; la lyre a bien parlé, ne poussez pas l’épreuve plus loin. Le son de cet instrument est trop puissant pour des oreilles humaines, il trouble les idées et peut égarer la raison. (Il lui ôte la lyre.)

HÉLÈNE. Que faites-vous ? Laissez, laissez-la-moi ! (Elle tombe évanouie.)

HANZ. Ô maître ! pourquoi lui ôter la lyre ? vous allez la tuer. Maître, elle semble morte, en vérité.

ALBERTUS. N’aie pas peur, ce n’est rien. La commotion électrique de la lyre en vibration devait produire cette crise. Carl, Wilhelm, emportez-la, je vous prie. Vite ! place ! place ! qu’on la mette à l’air !

HÉLÈNE, se ranimant, repousse Wilhelm. Ne me touche pas, Wilhelm ; je ne suis pas ta fiancée. Je ne serai jamais à toi. Je ne t’aime pas. Tu es un étranger pour moi. J’appartiens à un monde où tu ne saurais pénétrer sans mourir ou sans te damner.

WILHEM. Ô mon Dieu ! que dit-elle ? Elle ne m’aime pas !

CARL. Hanz l’avait bien dit.

ALBERTUS. Ma fille, vous parlez sans raison, et vous penserez autrement demain. Donnez-moi votre bras, que je vous reconduise à votre chambre.