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les sept cordes de la lyre

hanz. C’est un scrupule digne de vous. Je vous laisse, maître ; puissiez-vous retrouver la paix de l’âme !




Scène III. — ALBERTUS, seul.


Qu’il me tardait de me voir seul ! Ah ! celui qui prend sur soi la responsabilité des croyances et des principes d’autrui, celui qui ose se mêler d’enseigner et de diriger d’autres hommes, ne sait pas de quel fardeau il écrase sa vie ! Celui qui fait de la sagesse une profession est bien fou et bien malheureux quand il n’est pas un vil imposteur ! Au moment où il croit posséder la vérité, au moment où il monte en chaire pour la proclamer, ses yeux se troublent, les ténèbres descendent autour de lui, des lueurs confuses s’agitent dans un lointain obscur, et sa bouche prononce des mots qui n’ont plus de sens pour son esprit. Tout n’est qu’orgueil et mensonge dans la vaine science de l’homme. Il ne sera peut-être pardonné là-haut qu’à celui qui aura su douter et se taire ! (prenant la lyre.) Pourtant il n’y a pas d’effet sans cause ; ceci n’est point une vielle organisée, un accordéon, comme je le laisse croire. Je l’ai démontée pièce à pièce ; j’en ai examiné attentivement toutes les parties, et les sons magnifiques que cet instrument produit ne sont dus qu’aux proportions savantes et au rapport parfait de ses parties diverses. J’en fais vibrer les cordes sonores, et sans doute ma main ne les profane pas ; car leur vibration ne porte pas le trouble dans mon être ; mais il me serait impossible d’en tirer d’autre harmonie que les simples accords qu’une faible notion de la musique me permet de former. Mes doigts les cherchent et