Page:Sand - Ma Soeur Jeanne.djvu/155

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donc que je sois votre père dans toute la sainteté du mot ou que je sois votre mari. Y avez-vous réfléchi ? J’ai le triple de votre âge, je suis menacé d’une maladie de poitrine qui est incurable ; de plus, je ne dois me marier qu’après la mort d’une sœur âgée qui peut cependant me survivre. Des engagements de famille, où mon honneur est en jeu, me rendent impossible d’éluder cette obligation. Réfléchissez encore. Je puis vous promettre le mariage et ne jamais pouvoir tenir ma promesse. Je ne veux pas être, je ne serai pas votre amant. Renoncez donc à un rêve d’enfant, faites un effort suprême pour en aimer un autre et pour m’oublier.

» — Jamais ! m’écriai-je, je vous respecte et vous adore, je ne veux être ni votre femme ni votre maîtresse, je vaincrai l’amour qui vous inquiéterait ou vous gênerait. Je serai votre fille soumise aveuglément et heureuse de l’être. Je rougis de mon emportement, et je vous jure de rester tranquille et résignée, quand même vous auriez dix maîtresses sous mes yeux ; même si vous voulez vous marier avec une autre.

» — Jamais, répondit-il ; elle vous chasserait. Je vous jure ici que, si jamais je suis en situation de me marier, ce ne sera avec aucune autre que vous ; mais allez-vous donc sacrifier votre jeunesse à une pareille