Page:Sand - Ma Soeur Jeanne.djvu/228

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âme se prosterne devant la vôtre. Vous vouliez me faire l’honneur ; sachant si bien le peu que je vaux, de m’élever jusqu’à vous. Je m’en étais follement flattée jusqu’au moment où l’amour véritable et complet a remplacé en moi l’amour filial. Alors, j’ai compris qu’il y avait eu de l’ambition dans mon dévouement pour vous, non pas de l’ambition cupide, vous savez bien que je ne connais pas ce sentiment-là, mais l’amour-propre de fixer un homme tel que vous… Oui, certainement, il y a eu de cela en moi à mon insu. La sévérité du docteur avec moi m’a éclairée. Il m’a fait comprendre que, si vous m’épousiez jamais, ce serait par point d’honneur et nullement par inclination. Je me suis jugée et blâmée, et à présent je le remercie. Je m’applaudis de n’être plus un obstacle dans votre vie. Je reste fière de vos bontés au lieu d’en être humiliée, et pour ce qui me concerne…, eh bien…

— Eh bien, reprit sir Richard, voilà de quoi il faut me parler, quelque délicat que soit le sujet. Nous sommes tous trois des personnes chastes et bien intentionnées. Il n’est rien que nous ne puissions nous dire, n’ayant pas de reproches sérieux à nous faire les uns aux autres. Je sais, Manuela, que vous aimez sans calcul et que vous l’avouez sans conditions. J’ai entendu ! j’ai écouté ! C’est grand de votre part ; mais je