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Page:Sand - Ma Soeur Jeanne.djvu/272

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fallu un certain temps, à moi ignorante, pour me rendre compte de tout cela. J’y suis arrivée. J’ai couvé l’œuf d’or sans trop savoir ce qu’il contenait. Quand le phénix en est sorti, j’ai été tranquille et victorieuse aussi.

Ma mère s’était toujours exprimée facilement ; mais, depuis que Jeanne parlait, ma mère parlait encore mieux qu’autrefois. Je remarquais un progrès notable chez cette femme de cinquante ans qui avait acquis tout ce qu’elle avait voulu faire acquérir à sa fille. J’étais frappé de cette mutuelle influence qui avait agrandi leur horizon.

— Pourquoi es-tu étonné de cela ? reprenait ma mère. Cela ne s’est pas fait d’un coup de baguette de fée. Il y a vingt ans que nous tâchons de grandir ensemble, ta sœur et moi. Tu ne t’en apercevais pas ; tu étais trop jeune pour nous juger. Tu ne pouvais pas constater que chaque jour nous étions un peu plus avancées que la veille, et puis tu t’es mis à courir vite dans les études forcées, et alors, naturellement occupé de toi seul, tu n’as pas fait grande attention à nous.

— C’est possible, et d’ailleurs, n’ayant encore aucune expérience, je manquais de point de comparaison. À présent je m’éveille de ma lourde personnalité,