Page:Sand - Ma Soeur Jeanne.djvu/78

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mer, tu comptes sur ta force et ton adresse. Si tu étais sûr de périr sans sauver personne, tu resterais au rivage, — ou bien tu te précipiterais uniquement par amour-propre.

— Traites-tu de vanité le devoir de donner l’exemple ?

— Ah ! oui, donner l’exemple, voilà ! Voilà ce que je crains, de toi ! Tu es trop idéaliste pour la société où nous sommes appelés à vivre. Tu es capable de beaucoup de belles choses, mais je voudrais être sûr que tu feras quelque chose de raisonnable. Or, s’il y a quelque chose au monde qui demande le contrôle souverain de la froide raison, c’est l’expérience de la science que nous étudions. Le médecin ne doit pas obéir à l’inspiration du moment ; même dans les cas désespérés, je nie qu’il ait le droit d’écouter son cœur ou son imagination.

Ces causeries revenaient souvent et nous menaient parfois à cent lieues au delà du point de départ. Ce n’était peut-être pas bien utile, car il arrive que, dans ces discussions entre jeunes gens, on se place de part et d’autre sur un terrain que l’on s’habitue à regarder comme une propriété exclusive, bien qu’on y ait tenu médiocrement dans le principe ; mais la jeunesse ne vit que de théories, et la société présente ne vit que