Page:Sand - Mademoiselle La Quintinie.djvu/106

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Quant à moi, je ne saurais aller plus avant dans cette sorte de complicité. Je vous supplie de vous ouvrir franchement à ma tante, puisque vous voilà déjà lié avec elle, et de ne pas me demander de tromper mon grand-père et mon père ; autorisez-moi au contraire à leur parler de vous ou à ne leur annoncer votre visite qu’après les avoir mis dans votre confidence. Mon père n’apportera probablement aucun obstacle à nos rapports : depuis plus d’un an que je ne l’ai vu, je sais qu’il s’est fait en lui un changement extraordinaire, et que ses anciennes idées sont comme si elles n’avaient jamais été. C’est là une chose importante dont nous parlerons à loisir, si nous pouvons causer sans abuser de la confiance de personne.

Pour mon grand-père, il sera plus difficile de le persuader : il m’en a coûté de ne jamais lui parler de vos lettres ; mais son opposition à ma croyance lui était si douloureuse, que j’ai cru faire mon devoir en évitant tout sujet de discussion. Pourtant lui aussi s’est modifié et radouci devant la douceur et la tendresse, et de ce que la tâche est difficile, je n’y renonce pas. Dites-moi que vous tenez essentiellement à être reçu chez nous à Turdy, et j’essayerai avec courage, mais toujours sous la condition de ne pas mentir, de vous y faire bien accueillir de tout le monde.

Mettez ma conscience en repos sur tous ces points, et, si nous n’arrivons pas à ce résultat de pouvoir nous parler, je vous écrirai une longue lettre sur l’état de mon âme et sur le fond de mes pensées. Vous y verrez, je l’espère, que je mérite toujours votre estime, votre fraternelle et bienfaisante affection.

Lucie.