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Page:Sand - Mademoiselle La Quintinie.djvu/147

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qu’il couvre ! » Et cet homme, je dois reconnaître qu’il n’a rien de vulgaire et qu’il m’a été sympathique aujourd’hui en dépit de tout.

Émile.




XIII.


M. LEMONTIER À HENRI VALMARE, À AIX EN SAVOIE.


Paris, le 10 juin 1861.

Mon cher enfant, je te remercie de m’écrire et de me parler de mon Émile. Gâte ton vieux ami. Écris-moi souvent. Dis-moi tout ce que tu penses de lui, d’elle, et de moi-même. Gronde-moi aussi, mon grand sceptique, accuse-moi d’imprudence. Je ne me corrigerai pas ; mais je te corrigerai peut-être de la manie du doute : qui sait ?

Oui, Émile souffre et souffrira peut-être en pure perte pour son amour, comme tu le crains ; mais ce qui sera perdu pour son bonheur ne le sera pas pour son salut, comme disent les catholiques. Acceptons le mot : sauver l’intelligence et le cœur à travers les épreuves de cette vie n’est pas une si petite affaire qu’il faille la sacrifier au repos et à la prudence. Émile doit lutter, il le veut, il m’a persuadé. J’ai senti en lui une force que je voyais éclore et qui cherchait l’occasion de s’exercer. Or, nous sommes en ce monde pour y chercher courageusement le beau et vrai bonheur. C’est une conquête qui veut d’héroïques soldats ; mais on est soldat, et c’est pour être blessé !

Tu es soldat aussi, et brave soldat, mon cher Henri, car voilà que, par scrupule de cœur, tu m’offres de re-