Page:Sand - Mademoiselle La Quintinie.djvu/167

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« Oui, elle tournait, la terre, et elle avait toujours tourné, car ce mouvement est sa vie, et, si les juges qui condamnaient Galilée avaient mieux réfléchi et mieux raisonné, ils eussent pu interpréter le miracle de Josué sans faire mentir ni les livres saints, ni les éternelles lois de la nature. Dieu, qui a le pouvoir de faire fonctionner tous les rouages de l’univers, avait bien celui de faire apparaître aux yeux de cette poignée d’hommes qui combattaient en son nom le spectre enflammé d’un soleil immobile, remplaçant pour leur croyance l’astre véritable qui s’éloignait et s’éteignait dans les nuées du couchant.

« C’est ainsi, ajoutiez-vous, qu’en s’attachant quelquefois trop à la lettre, on se jette en des luttes où l’esprit du siècle semble triompher, tandis qu’au fond c’est pourtant l’esprit de Dieu qui éclaire les travaux des savants et des philosophes, soit qu’ils le reconnaissent, soit qu’ils le nient. »

Voilà ce que vous disiez, mon ami. Permettez-moi de m’en tenir à ce doux et clair esprit qui formait le mien, et dont il ne m’est plus possible de changer les conclusions. Votre père Onorio est un saint, je n’en doute pas ; mais il y a des saints qui se trompent, et vous-même êtes forcé de modifier et d’atténuer les conséquences de sa doctrine.

Je n’aime pas l’exagération de parti pris. J’ai aujourd’hui la certitude que l’on peut prendre le sauveur Jésus pour l’idéal de la vie intérieure sans rompre avec les devoirs du temps et du milieu où l’on existe. Cet idéal que l’on porte en soi tend à élever sans cesse la pratique de la vie sociale ; mais je crois qu’il défend aussi de la briser, et que les grandes ruptures avec les devoirs ordinaires sont de grands scandales, pardonnables seulement à qui n’a pas compris ces devoirs-là. Je les ai compris, moi ; je ne peux plus les méconnaître. Je dois et je