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car il faudra peut-être beaucoup combattre, beaucoup attendre, et quelquefois désespérer ; mais je serai là dès que tu pourras me fixer sur la nature des empêchements signalés par Lucie, et je te promets de ne pas me décourager facilement.

Ton père.




XXII.

MOREALI AU PÈRE ONORIO, À ROME.


Aix en Savoie, 15 juin.

Viens, mon père, viens à mon secours, car je meurs ici. Je ne sais quelle influence ténébreuse s’est étendue sur moi, tout m’est amer et je me sens faible. Toi seul peux lire dans le livre obscur de mon âme et retirer violemment le poison qui l’engourdit et la glace.

Plus de sommeil réparateur, plus de veille féconde ! Je ne comprends plus rien, la foi est voilée comme si elle n’avait jamais existé pour moi. Quelle épreuve ! C’est la plus cruelle que j’aie traversée. Mes lèvres prient, mon cœur dort. Je me demande si mon corps marche, si mes yeux voient, si mes oreilles entendent.

Tu m’avais prévenu contre ce mal sans nom qui saisit le fidèle au début de la vie de sainteté et qui le tient prosterné, comme évanoui à la porte du Seigneur ! Des jours, des mois, des années peut-être peuvent s’écouler ainsi. Sainte Thérèse a enduré vingt ans ce supplice de ne pouvoir prier, et, toi-même, tu t’es surpris, me disais-tu, blasphémant tout haut, la nuit dans ta cellule ! Oui, mais tu avais le sentiment de la lutte, et je ne l’ai pas. Mon esprit n’est pas assailli de ces fureurs sourdes, de