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Page:Sand - Mademoiselle La Quintinie.djvu/291

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t-il, qu’elle le lui prouve en subissant cette épreuve si courte, et, si elle croit encore en Dieu, comme elle le prétend, qu’elle prouve à Dieu son désir de s’éclairer en s’enfermant seule à seule avec lui dans le sanctuaire.

— Je ne lui donnerai point ce conseil, répondit M. Lemontier. J’ai assez étudié sur pièce l’histoire des couvents pour savoir que, s’ils peuvent abriter des mysticismes sincères, ils peuvent cacher des fanatismes atroces. Lucie est d’une forte santé, d’un caractère bien trempé et d’un jugement parfaitement lucide ; mais j’ignore jusqu’où peuvent aller les forces d’une femme aux prises avec l’isolement, les menaces et les persécutions. Si son père est assez imprévoyant pour l’y exposer, je sens qu’il est de mon devoir de la préserver, moi, et je m’oppose, au nom de mon fils et au mien, à ce qu’elle accepte le cruel défi qu’on lui jette. Je ne veux pas croire, monsieur, ajouta M. Lemontier, qu’un homme de votre science et de votre mérite ait, comme l’ont cru quelques personnes, troublé la raison de madame La Quintinie par la peur des supplices éternels ; mais si, contrairement à vos conseils et à vos intentions, cette malheureuse personne était morte dans l’égarement du désespoir, un tel exemple devrait vous rendre plus prudent que vous ne semblez vouloir l’être à l’égard de sa fille. »

La figure de l’abbé eut une légère contraction de souffrance ou de dédain ; mais il n’accepta en aucune façon le reproche.

« Est-il possible, monsieur, répondit-il, qu’on ait osé vous entretenir à Turdy de cette vieille histoire ? S’il y avait là quelque chose de vrai, le général m’eût-il accordé sa confiance et son affection ? Sachez donc la vérité. Madame la Quintinie… Mais j’ai été son confesseur, et vous pourriez croire que je vous raconte ce que tout le monde