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Page:Sand - Mademoiselle Merquem.djvu/117

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Je la suivis.

— Ainsi, reprit-elle en marchant, vous êtes l’ami de ce peintre cuivré comme un Ribeira et qui a le crin taillé en brosse ? Il a une bonne figure, et nos paysans l’aiment déjà beaucoup. Ils le disent très-brave garçon. Dites-lui, vous, que, s’il a besoin de quoi que ce soit, tout ce qui est chez moi est à son service. Pourquoi ne l’avez-vous pas amené avec vous ?

Je lui expliquai la sauvagerie de Stéphen et son manque d’usage.

— C’est pourtant, reprit-elle, un artiste remarquable, n’est-ce pas ?

— Pourquoi voulez-vous qu’il soit remarquable ?

— Au fait, je n’en sais rien. Je ne me suis pas permis de regarder sa toile en passant. Il a sans doute beaucoup d’esprit ?

— Il n’en a pas du tout.

— Mais de l’entrain, de la gaieté ?

— Ennuyeux comme la pluie, répondis-je étourdiment.

Je compris la faute que je venais de commettre en voyant la surprise de Célie.

— Ni talent, ni esprit, ni gaieté ? dit-elle, et vous vous condamnez à venir chercher sa société dans ce pays perdu de la Canielle ?

— Oui, répondis-je avec aplomb, je l’aime.

— J’en doute ; on ne s’ennuie pas avec les gens qu’on aime, fussent-ils stupides ; du moment que l’on a une raison pour les aimer, on s’intéresse à eux et on ne les écoute pas avec indifférence.

— Ce que vous dites là prouve que vous êtes meilleure que moi, voilà tout.

— Ou que je sais mieux aimer.