Page:Sand - Mademoiselle Merquem.djvu/123

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— Parlons-en au contraire, lui dis-je. Dieu sait quand je retrouverai la bonne chance de causer avec vous. Je ne veux pas rester dans le doute, j’en souffrirais cruellement, et j’ai le droit de vouloir me soustraire à une amertume qui serait profonde. Si je vous ai donné le change, ce n’est pas parce que vous avez eu un accès de pruderie. Vous n’en avez pas eu, vous n’en aurez jamais ; mais vous êtes plus sérieuse de caractère que vous ne le paraissez. Vous montrez quelquefois un enjouement si complet, si frais et si jeune, mademoiselle la vieille fille, que je vous ai parlé comme à l’enfant que j’ai vue rire à étouffer, il y a huit jours, en jouant des charades. Ce jour-là, j’étais un sultan, vous étiez mon esclave, et j’aurais pu vous tutoyer en public. Vous n’en eussiez ri que davantage. Aujourd’hui, j’étais si ému de tout ce que j’ai vu et entendu au village, que j’aurais cru effaroucher précisément votre modestie, si je ne vous l’avais dit en langage exagéré, c’est-à-dire en me raillant moi-même. C’est moi qui ai été absurde, vous n’étiez pas en train de rire, et vous êtes si généreuse, que vous ne voulez pas trouver vos amis ridicules. Eh bien, prenons que je n’ai rien dit. Je commence : Vous êtes bonne, grande et simple autant que vous êtes aimable et hospitalière. Vous avez le courage de l’homme et la grâce de la femme. Vous êtes la personne la plus sympathique que j’aie jamais rencontrée et celle qui m’inspire le plus de confiance et de respect. Naturellement j’ai besoin de votre estime pour embaumer et honorer ma vie. Je n’ai rien fait sous vos yeux pour la mériter. Je n’ai aucun droit à l’obtenir, je ne la réclame pas. Je demande seulement que, le cas échéant, vous me l’accordiez, et je désire ardemment trou-