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Page:Sand - Mademoiselle Merquem.djvu/129

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faire trop de jaloux ou lui inspirer trop d’orgueil. Ne me l’avez-vous pas dit ?

— Cela est vrai, j’en conviens. Mes amis de la côte, avec lesquels je suis obligée à beaucoup de prudence, se demanderaient pourquoi je préfère cet enfant-là aux leurs, et j’éveillerais des ambitions d’amitié que je ne pourrais plus satisfaire. D’un autre côté, en ne faisant pour lui que ce que je fais pour les autres orphelins, je ne fais pas assez. Ces orphelins ont des tantes ou des cousins, ils ont un pays. Si celui-ci, qui n’a rien, ne se conduit pas admirablement, il sera moins heureux que les autres ; on sera plus sévère pour lui. Je pense qu’il est bon de le transplanter et de lui faire une enfance plus facile, une destinée plus sûre. Prenez-le donc ; s’il vient à vous gêner, vous me le rendrez. Quant à renoncer pour lui au mariage,… M. Armand a parlé ainsi par enthousiasme, et je vois que cela ne vous inquiète pas plus que moi.

Le reste des habitués du dimanche arrivait. Nous demeurâmes sur cette convention qu’aussitôt après le mariage d’Erneste, l’enfant entrerait chez nous. Durant la soirée, mademoiselle Merquem chercha et trouva l’occasion de me dire encore quelques mots à part. Elle désirait informer elle-même M. de Montroger de la détermination que nous venions de prendre. Rien ne pressait : elle nous demandait quelques jours de silence.

— Il est donc bien jaloux ? lui dis-je.

— Oui, il est jaloux du bien que les autres font à sa place. Il m’avait offert de prendre mon petit Moïse, et j’ai refusé.

— Je vous inspire donc plus de confiance que M. de Montroger ?