Page:Sand - Mademoiselle Merquem.djvu/134

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elle le trouvera trop jeune et trop vivant pour elle ! J’aurai rassemblé dans l’arrière-saison de ma vie tout ce que j’ai eu de plus frais dans l’imagination et de plus suave dans l’âme pour parfumer son adolescence et y faire germer la belle fleur de l’amour, et j’y verrai apparaître une ortie au moment de l’éclosion !

— Vous vous êtes flattée d’un résultat exceptionnel, vous avez cru qu’on pouvait antidater une destinée ; cela n’est point. Il faut accepter la marche du temps et ne pas s’offenser des déviations apparentes. Tout cela va au bien quand même… Voyons ! De votre temps, les illusions qui précédaient le mariage n’étaient-elles pas funestes ? les déceptions du lendemain, amères ? C’est à ce point que les mariages d’amour ont fini par effrayer les familles les plus patriarcales et les parents les plus tendres. Ne vaut-il pas mieux, logiquement parlant, rechercher les avantages positifs qui seront une consolation à l’absence des joies idéales, que de se créer un paradis imaginaire où le pain et l’amour manqueront tous deux à la fois au jour du réveil ? Si quelques couples d’âmes fortes ont fait mentir la vraisemblance et céder la destinée, ce n’est pas un exemple que l’on puisse invoquer. Il est trop rare, il demande trop de perfection. Laissez se choisir et s’associer ces esprits nouveaux, qui ne peuvent plus se tromper par la séduction, et qui, en somme, n’ont presque rien à exiger les uns des autres quand ils sont unis. C’est le dernier mot de l’individualisme ; mais puisqu’il faut passer par là pour arriver à la liberté !…

— Est-ce que l’amour sera jamais conciliable avec la liberté ? reprit ma tante en levant les épaules. L’amour