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Page:Sand - Mademoiselle Merquem.djvu/146

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meurs. Nous vous attendions, et voilà votre équipage au complet, sauf ce gars endiablé qui ferait mieux d’être à son poste !

Ils lancèrent le canot. Je ne sais pas si mademoiselle Merquem m’avait fait signe d’y entrer ; mais j’y étais, et nulle force humaine ne m’en eût fait sortir.

À peine y fut-elle, qu’elle disparut dans une sorte de petit roof pratiqué à l’arrière, et en moins de trois minutes elle en sortit, revêtue de son rustique et solide costume de marinier ; les jambières de laine brune, la vareuse pareille recouverte de la chemise de toile passée au tan, nuance indécise entre le fauve et le rose, qui donne aux voiles des barques des tons si doux dans l’éloignement. Le bonnet feutré, brun, rendu imperméable par une lavure de goudron, encadrait son délicat visage comme une bordure de bois brut enchâsserait un frais pastel, et une large ceinture de cuir garnie d’anneaux de sauvetage ceignait sa taille déliée. Rien ne rappelait la femme dans ce déguisement consciencieux : mais tel est le prestige de l’élégance et de la distinction naturelles, que Célie avait quand même l’air d’une reine. Il fallait la manière de voir l’être humain, particulière à Stéphen, pour trouver qu’elle était simplement un joli gars et qu’on pouvait s’y méprendre. Loin de là, ainsi travestie, elle était plus que jamais mademoiselle Merquem dans sa douceur et dans sa dignité souriante. Elle regarda chacun de nous avec cette expression de confiance affectueuse qui fait passer la confiance dans le cœur des autres, puis elle échangea rapidement avec ses marins quelques mots qui me surprirent, car, sans être familier avec les termes de marine, j’en comprenais assez pour reconnaître que ceux-ci appartenaient au