Page:Sand - Mademoiselle Merquem.djvu/170

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— Je le demande d’avance et à genoux ! m’écriai-je.

Et je m’agenouillai devant elle, mais en me tournant vers la mère Guillaume, qui était assise à ses côtés et qui prit mes deux mains dans les siennes. On fit sortir les enfants, on verrouilla solennellement la porte de la rue, on mit sur la table une nappe blanche, trois chandelles de cire, un petit buste en plâtre de l’amiral et un bassin rempli d’eau de mer. M. Bellac me lut les statuts. Ils étaient naïfs et charmants. Célie devait les avoir rédigés dans son enfance sous l’inspiration des idées généreuses et romanesques de son grand-père. On eût dit une page du Contrat social enguirlandée par Florian. Le vieillard les lisait avec l’onction d’une conviction profonde. Toute la petite franc-maçonnerie se réduisait à ceci, qu’il faut se secourir et s’aimer, faire le bien sans accepter d’autre récompense que les joies du cœur. On jurait de ne pas trahir le mystère de certains mots de passe et de ralliement. Ces mots me furent remis sous pli cacheté, afin que j’eusse à les étudier à loisir. Célie m’observait pour voir si ces puériles formalités me feraient sourire. Je souriais peut-être, mais j’avais les yeux pleins de larmes. Il me semblait épouser l’enfance heureuse et tendre de la grande demoiselle, sa jeunesse sans tache, sa vie de vierge sage et de fée bienfaisante.

Toutes les formalités dites, on apporta l’eau de mer pour m’ondoyer. J’avais parfaitement oublié ma blessure, qui ne se voyait pas sous mes cheveux, mais que l’eau fit saigner.

— Qu’est-ce que cela ? s’écria Célie en pâlissant. Il s’est battu, j’en étais sûre !