Page:Sand - Mademoiselle Merquem.djvu/210

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les miens. Je le sentis, et, sachant bien qu’il fallait agir avec ces gens-là par la persuasion de l’amitié, je repris l’habitude, sous prétexte de promenade et de flânerie, de passer presque tous les jours plusieurs heures chez eux, c’est-à-dire sur la mer et avec eux. Ils ne m’avaient pas oubliée, mais ils me croyaient partie pour toujours. Quand, au contraire, ils virent que je revenais pour toujours, ils se donnèrent à moi comme ils s’étaient donnés à l’amiral, et ils me devinrent non-seulement une société et une habitude, mais un milieu et une famille auxquels je n’ai jamais hésité une seule fois à sacrifier mon goût pour les livres et la solitude.

» Ce hameau maritime de la Canielle n’est, d’ailleurs, pas le seul coin de terre qui réclame ma sollicitude. J’ai de grandes fermes que je fais valoir par de vrais paysans, et où j’ai supprimé l’exploitation du pauvre par le riche. J’ai, en outre, sous la main bon nombre de familles éparses dans les cavées environnantes, ces délicieuses oasis enfoncées dans les déclivités de nos grands plateaux, nids de verdure, d’ombre et de fraîcheur, réceptacles de misère et de superstition, car c’est là que vit le véritable habitant, le petit propriétaire, presque aussi pauvre et aussi abandonné que le journalier. J’avais à m’occuper beaucoup de ces gens-là ; je les ai rendus plus sages et plus heureux.

» Enfin j’avais un petit milieu d’amis de mon grand-père dans la noblesse et la bourgeoisie du pays. Je ne voulais pas rompre avec ces familles que l’amiral avait aimées et protégées. Je leur consacrai certains jours et certaines heures. C’est là, je l’avoue, que j’ai perdu à peu près mon temps et que j’ai exercé le moins d’influence. Cette société