Page:Sand - Mademoiselle Merquem.djvu/221

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— Vous m’avez blessée et irritée, me dit-elle en pleurant, vous m’avez parlé comme à une coquette sans cœur. Mon âme s’est révoltée, et voilà que vous me savez désarmée devant vous. Ne vous fiez pourtant pas trop à ma faiblesse. Une femme habituée à se vaincre a des retours de force qui ne sont ni caprice ni trahison. Je n’aurai jamais à rougir de vous avoir laissé lire dans mon cœur, car, si je me reprends et me dérobe, vous saurez bien que c’est pour vous préserver des dangers qui m’environnent. Vous m’aimez, vous m’aimez beaucoup, je le crois. Si je ne vous appartiens jamais, et cela est possible, ce sera une consolation pour moi de ne vous avoir ni méconnu ni repoussé. En vous le disant avec douceur, j’aurais certainement rendu votre sacrifice moins coûteux, et le souvenir de ces jours de tendresse vous fût resté cher ; mais vous vous emportez et je m’emporte ! À présent, vous voyez que, s’il faut nous quitter, je souffrirai autant que vous, et je n’aurai pas réussi à vous donner le courage.

— Vous ne souffrirez pas, nous ne nous quitterons pas, nous ne renoncerons pas l’un à l’autre, c’est impossible ! Je ne sais quel miracle interviendra pour concilier vos scrupules et votre bonne et sainte renommée avec votre liberté et mon bonheur ; mais ce miracle se fera. Ne regrettez donc pas de m’avoir enivré de joie, car vous m’avez rempli de force, et à présent je ne hais plus Montroger. Je le plains, je l’aime presque ; je ménagerai son caractère, je serai patient, j’attendrai qu’il devienne juste. Voyez ! la moitié du miracle est déjà accomplie, puisque vous n’avez plus rien à craindre de moi contre lui, et c’est vous, c’est un mot de vous qui a opéré le prodige. Celui qui est aimé de