Page:Sand - Mademoiselle Merquem.djvu/227

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— Eh bien, merci, comptez sur moi.

— Ainsi je vous laisse seule, sans appui, livrée aux ennuis d’une lutte pénible, et, pendant que votre repos, votre bonheur peut-être, seront menacés, je me croiserai les bras, moi qui voulais vous porter à travers les abîmes !

— Il n’y aura pas d’abîmes à franchir pour moi quand vous ne serez plus là ; je ne crains rien des emportements de Montroger, ce n’est pas devant moi qu’il oserait s’y livrer. En restant, vous me paralysez, vous me perdez !

— Je pars !

— Allez embrasser votre tante, dites-lui tout.

— Tout ?

— Absolument tout, je le veux.

Je m’arrachai de la grotte en me retournant vingt fois. Je faillis y rentrer lorsqu’au moment de sortir je vis Célie, éclairée par le reflet pourpré des parois humides, svelte et chatoyante comme une nymphe fantastique, frissonnante comme l’algue dont les longs rubans s’enlaçaient à ses pieds ; elle m’envoyait du bout des doigts un baiser maternel en me criant :

— Dieu te protége, mon filleul !…

J’aurais voulu retourner mourir à ses genoux, elle me repoussa du geste avec autorité. Je m’enfuis sans songer à aller prendre congé de Stéphen.

Je me soulageai en versant ma peine et ma joie dans le cœur de ma tante. Elle ne fut d’abord frappée que de la possibilité du mariage de sa fille avec Montroger. Elle faisait grand cas de lui, et, malgré ce que mademoiselle Merquem redoutait de son caractère, elle ne voulait s’en effrayer ni pour l’avenir d’Erneste ni pour le mien.