Page:Sand - Mademoiselle Merquem.djvu/259

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mettes violacées. Que ce fût l’effet du vent de mer ou du chagrin, il n’était plus le même, et son regard me parut fébrile. J’eus pitié de lui, et je me promis d’être excellent, s’il ne me forçait pas à être hostile. Nous nous assîmes, et j’attendis qu’il voulût bien parler.

Il fit un effort et dit :

— La dernière fois que nous nous sommes rencontrés à la Canielle, j’ai bien vu que mademoiselle Merquem me faisait un mensonge en me disant que vous veniez pour une affaire d’argent, car vous ne veniez pas pour cela, vous allez en convenir avec moi ?

— Je vous ai dit, monsieur, que je ne me soumettrais pas à un interrogatoire. Je crois avoir assez fait pour en être dispensé en vous disant que je n’ai jamais songé à vous faire jouer un rôle ridicule. Faut-il vous le répéter ? J’y consens, mais je n’entrerai dans aucun détail avant que vous m’ayez témoigné une confiance absolue dans ma loyauté, et, jusqu’ici, vous semblez émettre quelque doute dont j’attends l’expression complète.

— Vous avez encore raison, reprit-il en essuyant son front baigné de sueur, c’est à moi de m’expliquer. Eh bien, ce jour-là, voyant qu’on se moquait de moi, elle du moins, je me suis moqué aussi. J’ai fait semblant de rêver un charmant mariage auquel je n’avais pas songé, et, quand j’ai vu mademoiselle Merquem rassurée sur mes dispositions, j’ai satisfait, en prenant congé d’elle, le désir très-vif qu’elle laissait maladroitement paraître de me renvoyer pour vous rejoindre.

Il fit une pause en me regardant ; je restai impassible. J’étais pourtant vivement choqué du manque de savoir-vivre et de dignité avec lequel cet homme