Page:Sand - Mademoiselle Merquem.djvu/28

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— Moi, je crois la deviner. Mademoiselle Merquem est égoïste.

— Eh bien, non, tu verras ; elle te plaira beaucoup.

— Alors, gare à mon pauvre cœur !

— Non ; je ne crois pas qu’elle t’inspire autre chose que l’amitié. Les femmes d’esprit n’inspirent que ce qu’elles veulent… aux hommes d’esprit ! Quand nous approchâmes, le lendemain, des hauteurs que domine le château de la Canielle, résidence de mademoiselle Merquem :

— J’avoue, dis-je tout bas à Erneste, que je regrette d’avoir interrogé ma tante sur la femme alchimiste. Je me suis privé d’une émotion agréable à la vue de ce mystérieux manoir, où, grâce à toi, j’aurais pu compter surprendre une vieille Parque occupée à des maléfices. À présent, hélas ! je sais que mademoiselle Merquem n’est ni vieille, ni laide, ni sorcière, ni savante.

— Ah ! je vois, répondit Erneste, que maman t’a déjà tracé son portrait à sa manière. Eh bien, tu vas voir comme on s’amuse chez elle !

Le château était du siècle dernier, spacieux et simple, très-confortable d’aspect et bâti à mi-côte sur une colline rocheuse dont une échancrure rendait l’abord facile et la montée douce. L’ancien manoir inhabité dressait ses ruines féodales à cent mètres plus haut, sur le plateau de la falaise. Un parc touffu jeté en pente rapide sur la déclivité de ce plateau reliait les deux constructions. Du château neuf, qui tournait le dos à la mer, on ne voyait que la campagne fraîche et riante. Sans doute les belles histoires d’Erneste avaient laissé dans mon esprit quelque curiosité, car j’eusse voulu monter tout de suite au vieux donjon, d’où la vue devait être grandiose et dont l’aspect annonçait quelque