Page:Sand - Mademoiselle Merquem.djvu/298

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ne la quittais pas. Erneste vit la faute qu’elle avait commise, à l’accès de dépit et de jalousie qu’il ne sut pas réprimer devant elle. Elle eut beau lui remontrer que ma place était auprès de sa mère et d’elle-même dans cette circonstance ; il s’obstina à entrer et la supplia de prendre sur elle cette infraction aux ordres donnés par M. Bellac, dont il ne reconnaissait d’ailleurs aucunement l’autorité. Erneste jugea qu’il avait raison, que sa vieille amitié avait des droits imprescriptibles, et il entra avec elle dans le château. Là, un peu effrayée de ce qu’elle venait de faire, bien qu’elle n’en comprit pas encore toute la gravité, elle le quitta après l’avoir supplié de rester dans le vestibule, et revint près de nous avouer à sa mère qu’elle n’avait pas cru devoir partager l’injuste aversion de M. Bellac pour l’ami le plus dévoué de mademoiselle Merquem.

Je n’entendis pas ce que lui répondait ma tante, je m’élançai dehors. Je courus droit à Montroger, et, lui saisissant le bras avec une force convulsive, je l’amenai dans la chambre de Célie. Elle était entièrement privée de connaissance, et la mort était réellement sur son front. Il voulut lui parler, je lui mis la main sur la bouche ; il voulut se jeter à genoux à son chevet, je l’en arrachai et je l’entraînai dans l’antichambre. Il était trois fois plus fort que moi ; mais, l’eût-il été dix fois davantage, je l’aurais plié comme un roseau. Je le jetai sur un siège en lui disant :

— Triomphez, monsieur ! elle ne sera ni à vous ni à moi. Le médecin croit qu’elle ne passera pas la nuit. Êtes-vous content ?

Il cacha sa figure dans ses mains, et fondit en larmes.

— Il est trop tard, lui dis-je : vos pleurs sont lâ-