Page:Sand - Mademoiselle Merquem.djvu/75

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

vraisemblables n’eût-il pas fallu admettre pour réunir dans la pensée du mariage deux êtres également ennemis des liens officiels ! Elle pouvait, elle devait exiger que je lui fisse le sacrifice de ce genre d’avenir. J’y étais tout porté par instinct, par réflexion, par habitude d’esprit. De quoi donc ma conscience pouvait-elle s’alarmer ?

J’étais décidé. Ma souffrance cessa aussitôt. Force d’illusion ou puissance d’orgueil, je n’étreignis plus une chimère. Mon amour-propre me montrait le but, ma volonté devait être à la hauteur de mon ambition, et, si cet amour n’était que fantaisie et vanité, libre à moi de m’en aviser à temps et de m’arrêter en chemin. Je n’avais pas affaire à une folle petite pensionnaire, capable d’en mourir de chagrin ou de se compromettre par dépit. J’étais aux prises avec une femme dans la force de l’âge, de l’expérience, de la raison et de la santé. La lutte me paraissait digne d’un homme et prenait les proportions d’une entreprise sérieuse.

Dès lors, je ne me trouvai plus ridicule. Je ne me comparai plus en rougissant à Montroger. J’allais faire tout le contraire de ce qu’il avait fait. Je n’avais plus qu’à examiner sa conduite et son attitude afin de ne pas lui ressembler.

Je calculai que, pour ne rien compromettre, il me fallait au moins un an, et ce long terme, loin de m’inquiéter, ouvrit à mon imagination de riantes perspectives. Je me trouvai en face de cette femme comme un peintre qui étudie son modèle et se dit que le temps ne compte pas quand il s’agit d’un magnifique travail, la réalisation d’un beau rêve, la manifestation d’une flamme intérieure bien vive et bien claire. Je