Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/134

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lait s’établir et mener le train qui convenait, disait-il, à sa position.

» Ma mère, qui l’avait d’abord accueilli avec joie, s’attrista subitement, tomba malade et mourut peu de semaines après notre arrivée à Paris.

» Mon père ne nous laissa pas voir son affliction et nous laissa à la nôtre. Il paraissait absorbé par mille occupations importantes que nous ne comprenions pas. Au bout de deux mois, que nous passâmes à pleurer ensemble, mon pauvre frère et moi, nous vîmes un grand luxe se déployer tout à coup autour de nous. De l’hôtel garni où nous étions descendus, on nous conduisit à un vieil hôtel de la place Royale, où d’immenses appartements étaient remplis de curiosités et d’objets riches ou étranges qui nous faisaient un peu peur. Il y avait des têtes de sauvages embaumées et momifiées avec des coquillages dans les yeux et de longs cheveux noirs, qui pendant bien longtemps m’empêchèrent de dormir.

» Nous vîmes arriver là toute sorte de gens qui vendaient ou achetaient ces choses sans nom, depuis de grands seigneurs jusqu’à de petits juifs, tout un monde qui nous était étranger et ne faisait pas la moindre attention à nous. L’ennui nous rongeait, on ne nous permettait pas de toucher à rien, ni de sortir de l’appartement, ni de faire le moindre bruit. Mon frère attendait avec impatience qu’on songeât à le remettre au collège. Moi, je n’osais demander à aller en pension, pourtant j’en mourais d’envie. Enfin mon père se décida à faire reprendre l’éducation de son fils, qui était studieux, intelligent et doux ; mais le malheur était sur nous : un jour de sortie, mon pauvre frère commit une faute bien légère, et mon père, qui était