Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/163

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lier y a laissé quelques recherches à l’intérieur, c’est-à-dire des portes et des fenêtres qui ferment bien, des papiers frais, des planchers bien joints, en un mot tout ce qu’elle y avait dépensé de son petit avoir en vue de rendre l’habitation saine pour sa malade. C’est cette propreté qui m’a décidé à réinstaller là. Je ne l’aurais pas trouvée ailleurs à si bas prix.

J’ai pourtant un peu hésité à me charger de ce reste de bail pendant quelques mois que, par l’intermédiaire de M. Doublot, c’est le nom du médecin, elle m’a autorisé à prendre. Je pensais d’abord qu’en prévision d’une déception quelconque à la Tilleraie, elle eût pu se réserver son gîte ; mais elle brûle ses vaisseaux, et, si je n’eusse loué, elle se hâtait de louer au premier venu. C’est une personne rangée, il n’y a pas à dire ; elle ne laisse pas un jour de non-valeur dans ses affaires. Pauvre fille ! je ne l’en blâme pas. Du moment qu’elle met tant d’ordre dans son budget, il est à croire qu’elle compte mettre de la prudence dans ses actions.

Dois-je t’avouer une faiblesse ? Une autre petite raison qui m’a déterminé à prendre ce logement, c’est la crainte de voir briller à cette fenêtre un flambeau de nuit allumé par une main étrangère. Je m’étais habitué à compter les heures de veille de ma pauvre voisine, alors qu’elle était vraiment pauvre, et machinalement je réglais les miennes d’après ce lumineux sablier qui nous mesurait les phases du travail. Je ne pourrais plus m’intéresser à ce vis-à-vis, et j’aime autant avoir à présent celui démon ancienne fenêtre, où j’apercevrai peut-être mon double illuminer la vitre blafarde et m’exhorter en silence au nocturne labeur.