Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/186

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l’acquit de ma conscience, mais fort tranquillement, et si bien préparé à l’insuccès de mon entreprise que je n’aurais pas le moindre regret de la voir échouer. Je remercierais même beaucoup la destinée de me dispenser d’un essai qui m’eût créé beaucoup de soucis, et qui n’eut peut-être pas amené un bon résultat.

— Voilà qui est raisonné sagement, répondit naïvement le bon Sylvestre, et vous me donnez une excellente leçon, mon cher père ! Je ferai ce que vous me dites, et je le ferai avec autant de tranquillité d’esprit et de cœur qu’il me sera possible. Agissons donc, et advienne que pourrai Seulement, je ne demanderai pas à conduire Jeanne à Magneval ; je me suis juré de ne jamais y retourner, je n’y retournerai jamais. Les motifs de ma disparition y sont d’ailleurs trop connus et, si j’avais quelque espoir de bien marier Jeanne, je verrais plus de chance dans un pays où l’on ne saurait rien de notre histoire. En Suisse par exemple, où le père Sylvestre a laissé de nombreux et braves amis, ma petite fille, si elle consentait à n’avoir pas d’autre nom que mon humble pseudonyme et à ne jamais parler de la fortune de madame sa mère, rencontrerait bien un bon parti comme je l’entends.

— Voyons, prenez garde, lui dis-je, vous entrez en plein roman, ce me semble ! Que ferez-vous d’une jeune personne habituée au luxe avec vos cent écus de rente ? Au moins, avec le revenu de Magneval, vous la mettriez à l’abri du besoin, et, au lieu de lui faire épouser un ouvrier ou un paysan, vous lui trouveriez peut-être un jeune savant ou un artiste.

— Aussi je compte bien, reprit M. Sylvestre, reprendre possession de mon revenu de Magneval, si je me charge de Jeanne. J’ai là pour elle trois mille francs