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Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/38

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— Je n’ai pas d’amante. Parle-moi de la tienne… Puisque tu épouses, ce n’est pas une indiscrétion de te demander son nom.

Tu sais, mon cher Philippe, que notre ami Louis Duport est très-bavard et un peu sot, bon diable quand même, aimant par-dessus tout à parler de lui. Aussi je parvins pendant quelque temps à lui faire oublier de me parler de moi ; mais, quand il eut bien vanté les grâces, l’esprit et la fortune de sa fiancée, je lui revins en mémoire de la façon la plus inattendue.

— À propos, s’écria-t-il, tu me demandes son nom ? Tu la connais ; tu l’as demandée en mariage il y a deux ans !

— Tu te trompes. Je n’ai jamais demandé personne en mariage.

— Allons donc ! mademoiselle Nuñez, cette belle juive brune, la cousine de Gédéon Nuñez, chez qui nous sommes ici !

— Ah ! je me souviens d’elle. Je l’ai vue deux ou trois fois, mais je te jure que je n’ai jamais autorisé mon oncle à la demander pour moi. J’étais beaucoup trop jeune pour consentir à me marier.

— Bien, reprit Duport avec un sourire passablement impertinent ; soit ! c’est comme cela qu’il faut dire… Mais tu ne dois pas être mortifié du refus, mon cher ; la famille ne t’a pas trouvé assez riche, ce n’est pas ta faute. Quant à Rébecca… je veux dire mademoiselle Nuñez, elle ne t’a pas trouvé du tout ; ne sachant rien de ta démarche, elle ne t’a pas remarqué.

— Elle a eu tort ; elle eût dû remarquer un original que ni sa beauté ni sa richesse n’avaient fasciné, et