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Page:Sand - Nanon, 1872.djvu/161

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— T’aider ? et si, sans être coupable de projets de désertion, il se laisse entraîner par l’exemple de sa famille ?

— Ah ! voilà que vous ne croyez plus en lui ! vous êtes devenu soupçonneux !

— Oui, on est forcé de se méfier de son ombre, et presque de soi- même, quand on a mis la main sur le réseau de trahisons et de lâches faiblesses qui enlace cette malheureuse République !

— Plus vous donnerez la peur, plus il y aura de poltrons.

— Tu es brave, toi, et pourtant, tu peux trahir aussi, par amour… pardonne-moi, par amitié ! Quel âge as-tu donc ?

— Dix-huit ans aux muscadettes.

— Dans deux mois ! tu me rappelles la campagne, ces bonnes petites prunes vertes, le temps où je montais sur les arbres. Que tout cela est loin !… Moi qui avais rêvé de me retirer des affaires, de me marier, d’arranger le moutier, d’y avoir un joli logement, de couvrir le reste de chèvrefeuilles et de clématites, d’élever des moutons, de devenir paysan, de vivre au milieu de vous… C’était une illusion ! Cette République qui paraissait conquise ! Tout est à reprendre par la base, et nous mourrons peut-être à la peine ! Allons, va-t’en dormir, tu dois être bien lasse.

— Où dormir ?

— Dans un cabinet auprès de la chambre que ma mère occupe quand elle vient ici ; j’ai prévenu Laurian. Tu n’as qu’un étage à monter.

— Laurian, qui venait avec vous au moutier ? Je ne l’ai point vu ici.