Page:Sand - Nanon, 1872.djvu/180

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s autres localités, et ils n’y prenaient guère d’intérêt. Châteauroux était une petite ville plutôt bourgeoise et modérée que révolutionnaire ou royaliste. Les vignerons, qui formaient la majorité des faubourgs, étaient républicains, mais point démagogues et généralement très humains. La terreur ne sévissait donc guère dans ce pays tranquille et M. Costejoux l’avait très bien choisi pour qu’Émilien n’y fût pas victime des fureurs populaires.

Voyant cela, nous crûmes sage d’y attendre la paix, sans nous douter, simples que nous étions, que cette paix n’arriverait que par l’écrasement de la France, en 1815. Il valait mieux, selon nous, compter sur nos prochaines victoires, sur un retour à la confiance et à la justice, que de compromettre la vie de notre cher prisonnier par une tentative imprudente. Mais je désirais ardemment qu’il sût, pour adoucir sa tristesse, que nous étions là et que nous ne pensions pas à autre chose au monde qu’à sa délivrance en cas de danger.

Je trouvai bientôt le moyen de le lui faire connaître. La prison, aujourd’hui détruite, n’était autre chose qu’une ancienne porte fortifiée appelée la _porte aux Guédons. _Elle se composait de deux grosses tours reliées par une sorte de donjon, avec une arcade dont on ne baissait plus la herse, vu que la rue déjà bâtie continuait au-delà. Au rez-de-chaussée des tours vivaient les geôliers et les employés de la prison, au-dessus les prisonniers dans de grandes chambres rondes à petites fenêtres. Une des plates-formes leur servait de promenoir, et notre masure touchait justement cette tour-là, qui n’était pas bien haute et dont le rebord était ruiné en plusieurs endroits. Du grenier où je