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Page:Sand - Nanon, 1872.djvu/244

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ois. Le jour venu, tu lui diras que tu manquais de quelque chose, et que j’ai été aux environs pour me le procurer. Quand ce sera le soir, tu lui diras la vérité, mais en lui jurant que je serai revenu le matin suivant, et je te jure que je serai revenu. Je sais bien qu’Émilien passera une mauvaise nuit à m’attendre, mais cela vaudra mieux que de laisser la petite en danger, et il me pardonnera de lui avoir désobéi. Allons, ne dis plus rien. Je partirai la nuit prochaine. Il faut que je fasse cette chose-là, vois-tu, et que je la mène à bien. J’ai une grande faute à réparer, et je ne me la pardonnerai que quand j’aurai prouvé que je suis encore un homme.

Je cédai. Je savais bien qu’Émilien rêvait de sa sœur toutes les nuits, et que, s’il ne se fût regardé comme engagé d’honneur à ne pas nous donner le moindre sujet d’inquiétude, il eût dès longtemps tout risqué pour savoir ce que Louise devenait au_ _milieu de la persécution de toute la race noble.

Je feignis d’être lasse, afin qu’on se couchât encore plus tôt qu’à l’ordinaire, et bientôt j’entendis partir Dumont. Mon cœur fut bien gros ; il allait peut-être à la_ _mort, et je ne pus fermer l’œil : si Émilien venait à découvrir sa fuite, il courrait après lui. Il l’aimait tant, son pauvre Dumont ! Et comme il me reprocherait de l’avoir laissé partir !

La bonne chance était pour nous : Dumont n’alla pas bien loin pour avoir des nouvelles. En voulant prendre au plus court, il se perdit dans les bois et fut forcé d’attendre le jour pour s’orienter. Il se trouva près d’un village appelé Bonnat, et, ne jugeant pas à propos de s’y montrer inutilement, il résolut de revenir chez nous pour ne point nous causer d’inquiétude