Page:Sand - Nanon, 1872.djvu/29

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encore vu, c’est le petit Franqueville ! un cadet de grande maison, c’est comme cela qu’on dit. — Vous connaissez bien Franqueville, mes gars ? un beau manoir, da !

— J’y ai passé une fois, dit le plus jeune. C’est loin, loin du côté de Saint-Léonard en Limousin.

— Bah ! douze lieues, dit Jacques, en riant, ça n’est pas si loin ! j’y ai été une fois aussi, la fois que le supérieur de Valcreux m’a donné une lettre à porter et qu’il m’a prêté la bourrique du moutier pour gagner du temps. Sans doute que c’était affaire pressante, car il ne la prête pas volontiers, la grand’bourrique !

— Ignorant ! reprit mon grand-oncle, ce que tu appelles bourrique c’est une mule.

— Ça ne fait rien, grand-père ! j’ai bien vu la cuisine du château et j’ai parlé à l’homme d’affaires, qui s’appelle M. Prémel. J’ai bien vu aussi le jeune monsieur, et à présent je comprends que la lettre, c’était pour manigancer son entrée au couvent.

— C’était une affaire manigancée depuis qu’il est au monde, reprit le père Jean. On n’attendait que l’âge, et moi, qui vous parle, j’ai eu ma défunte nièce, la mère à la petite que voilà, vachère dans le château en question. Je peux très bien dire ce qui en est de la famille. C’est des gens qui ont pour deux cent mille bons écus de terre au soleil, et des terres bien en rapport. Ça n’est pas négligé et pillé comme celles du moutier d’ici. L’homme d’affaires, l’intendant, comme ils l’appellent, est un homme entendu et très dur ; mais c’est comme ça qu’il faut être quand on est chargé d’une grosse régie.