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Page:Sand - Nanon, 1872.djvu/322

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tous deux. Le front de la vieille dame s’éclaircit.

— Chère tante, lui dit Louise, nous venons de nous disputer très fort, à propos de noblesse, comme toujours ! Comme toujours, monsieur votre fils a eu plus d’esprit et d’éloquence que moi ; mais, comme toujours, j’ai eu plus de raison que lui. Je suis positive, il est romanesque. Il croit que nous entrons dans un _monde nouveau ! _ C’est son thème habituel. Il croit que la Révolution a changé tant de choses, que beaucoup ne pourront être rétablies. Moi, je crois que tout redeviendra, avec le temps, comme par le passé, que la noblesse est une chose aussi indestructible que la religion, et que mon frère est toujours aussi marquis qu’il l’eût été au décès de son père et de son frère aîné dans des circonstances ordinaires. Là-dessus, le grand avocat plaide le sentiment, le devoir, tout ce que vous voudrez. Il m’apprend que Nanon est un riche parti pour Émilien dans l’état des choses. Moi, je ne m’occupe pas de cela. Je n’ai qu’une ressemblance avec Émilien, je ne fais aucun cas de l’argent. Vous allez me dire que j’ai un impérieux besoin de tout_ _ce que l’argent procure. C’est possible ; en cela je ne suis pas logique : mais Émilien est très logique, lui. Il n’a jamais souci ni envie de rien. Il est devenu paysan, il sera très heureux avec Nanon. Oh ! j’en suis certaine, Nanon est un ange de bonté et de droiture. Ne dis rien, Nanette, je sais que tu te fais scrupule de l’épouser, bien que tu sois folle de lui. Je sais que, s’il se rappelle qu’il est marquis et qu’il hésite un tant soit peu, tu te résigneras. C’est donc ce qu’il faut voir, ce sera à lui de décider, et, s’il se décide en ta faveur, j’en prendrai mon parti ; je t’accepterai pour ma belle-