Page:Sand - Nanon, 1872.djvu/337

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souffrait peut-être encore, j’eus un violent chagrin, comme si on me l’eût rendu à moitié mort. Je n’avais plus aucun souci de pudeur, je le couvrais de caresses et de larmes, je criais comme une folle :

— Assez de cette guerre, assez de malheurs ! vous ne partirez plus, je ne veux pas !

— Mais tu vois bien que je ne suis plus bon pour la guerre, me disait-il. Si tu me trouves encore bon pour t’aimer, me voilà revenu pour toujours.

Quand on put se calmer et s’entendre :

— Voyons, ma chérie Nanette, me dit-il, n’auras-tu pas de dégoût et de dédain pour un pauvre soldat mutilé ? Je suis guéri. Je n’ai voulu revenir que bien sûr du fait, car, pendant trois mois, après la paix, j’ai été en traitement pour la blessure reçue à la première affaire, négligée par moi et envenimée par le froid de la campagne de Hollande, que j’ai voulu faire quand même avec mon bras en écharpe. J’ai affreusement souffert, c’est vrai ! J’espérais conserver mon bras pour travailler : impossible ! Alors j’ai consenti à en être débarrassé, et, l’opération ayant bien réussi, j’avais écrit de la main gauche à Dumont pour qu’il te prévînt tout doucement de ma guérison et de mon prochain retour. Il paraît que vous n’avez pas reçu ma lettre et que je te cause une cruelle surprise. C’est encore une épreuve à mettre sur le carnet de mes titres, car la perte de mon bras m’a été moins sensible que tes larmes.

— C’est fini ! lui dis-je. Pardonnez-moi d’avoir gâté par ma faiblesse, ce moment qui eût dû être le plus beau de notre vie. Dès l’instant que vous ne souffrez plus, je n’ai plus de chagrin, et, si vous aviez pu perdre