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Page:Sand - Nanon, 1872.djvu/81

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— Quittez-le et venez avec moi chez mes parents, dit-elle ; alors, je vous écouterai.

Elle voulait partir et lui la retenir ; mais il nous vit, et, tout honteux, il s’en alla d’un côté pendant que la fille lui échappait en gagnant de l’autre.

Le petit frère ne fit pas l’étonné et reprit son chemin avec moi sans rien dire ; moi, j’en étais toute saisie et je ne pus me garantir de la curiosité de le questionner.

— Croyez-vous donc, lui dis-je, que ce frère épousera la Jeanne Moulinot ?

— Mais oui, me répondit-il, qui l’empêcherait ? il y a longtemps qu’il y songe ; il faut bien qu’il se fasse une famille, car un homme ne peut pas vivre seul.

— Alors, vous vous marierez aussi, je vois cela.

— Certainement, je veux avoir des enfants pour les rendre heureux. Mais je suis trop jeune encore pour y penser.

— Trop jeune ? Dans combien de temps y penserez-vous ?

— Dans cinq ou six ans peut-être, quand j’aurai trouvé un état.

— Sans doute vous trouverez une riche demoiselle ?

— Je ne sais pas, cela dépendra de ce que ma famille voudra faire pour moi ; mais je ne prendrai pour femme que celle que j’aimerai.

— Est-ce que ce n’est pas toujours comme cela qu’on se marie ?

— Non, on se marie souvent par intérêt.

— Alors, vous serez très heureux un jour ? mais, moi, je ne vous verrai plus_, _je ne saurai peut-être pas où vous êtes, et vous ne vous souviendrez plus de moi.