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Page:Sand - Narcisse, 1884.djvu/161

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verser dans sa colère. Là, elle se prit à pleurer et à bouder, et Juliette me dit :

» — La voilà déjà furieuse ! Vous voyez qu’il faut de la patience avec elle !

» Je lui répondis qu’elle devait faire semblant de n’y pas prendre garde, et j’allai m’asseoir à côté de Julia pour la sermonner sur sa bêtise, pendant que mademoiselle d’Estorade causait avec des paysans qui étaient venus la saluer et la consulter sur leurs peines et maladies.

» Cette Julia me reçut comme un hérisson reçoit un renard. Elle pleurait de rage et non de chagrin, car elle se mit à me dire pis que pendre de Juliette.

» — Elle me déteste, par-ci ; elle se venge de moi, par-là ! Elle veut m’humilier ; elle ne me pardonne pas d’avoir été aimée d’un homme qu’elle aime plus que vous ne pensez, et avec qui Dieu sait ce qu’elle a fait ! Vous êtes encore bon, vous, de croire qu’elle n’a jamais péché ! Allons donc ! Pourquoi est-elle si jalouse de cette petite ? Croit-elle que je lui donne la peste en la caressant ? Et qu’est-ce que c’est d’ailleurs que cette petite ? Un enfant trouvé ! Ah ! oui, un enfant de l’amour ! De l’amour de qui ? Il y a sept ans qu’on est revenu de Touraine. C’est l’âge de l’enfant. Il ne sort pas de l’hospice de la Faille. Ça, je le sais ! et je sais même d’où il vient. On l’a apporté de Saumur, et, dès le premier jour qu’il a été mis en nourrice, la demoiselle, comme disent ces paysans, est