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Page:Sand - Narcisse, 1884.djvu/53

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Pendant que je l’examinais ainsi, il perdit la partie. J’attendais qu’il demandât sa revanche, et son adversaire la lui proposa ; mais il la refusa avec une sorte d’emphase, disant qu’il ne voulait plus jouer avec personne à la Faille, et me regardant comme pour protester contre l’accusation de Narcisse.

— À moins, lui dis-je, que ce ne soit gratis et pour l’honneur, auquel cas vous ne refuserez pas une leçon à un écolier, et je vous la demande, si votre adversaire se retire sur sa victoire.

— C’est ce que j’aurai à faire de plus prudent, répondit l’indigène en nous saluant après avoir regardé sa montre ; d’autant plus que c’est l’heure de mon bureau.

— Mais alors, monsieur, dit Albany en portant la main à sa poche, qui avait bien la mine d’être vide, je vous dois…

— Nous réglerons ça une autre fois, reprit l’employé.

Et il ajouta à voix basse, en se tournant vers moi comme pour me remettre la queue qui était très-bonne :

— Ce garçon n’a pas le moyen de perdre ; aussi ne faut-il pas trop le gagner.

Était-ce une manière très-spirituelle de me dire : « Prenez garde à vous ; » ou bien tout simplement une sollicitude de triomphateur généreux ? Je ne sais. Mais Albany vit bien qu’il me parlait bas, et je le trouvai fort troublé.