Page:Sand - Questions politiques et sociales.djvu/130

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plaindre. J’étais exténué de fatigue, et je gagnais un si mince salaire, que je vivais beaucoup plus mal qu’à présent. Depuis qu’on ne m’impose plus ce dur travail comme une condition d’existence, je mène une vie très douce et qui me plaît beaucoup. J’erre au grand air, je change de place, je ne paye pas d’impôts, je porte mes haillons sans honte. Autrefois, il, fallait cacher un peu ma misère sous peine de passer pour un paresseux. Cette misère, qui eût poussé les riches à me marchander le salaire, les engage à me donner du pain aujourd’hui. Je suis donc satisfait : pourquoi prétend-on, en m’étant ma liberté, me rendre plus heureux que je ne désire l’être ? Pourquoi a-t-on plus de souci de moi que moi-même ? Vous voyez bien que c’est un prétexte pour, m’enchaîner, et que c’est une grande injustice.

LE GENDARME.

Je comprends maintenant ta répugnance pour le dépôt. Tu hais le travail, et tu crains qu’on ne te fiasse travailler.

LE MENDIANT.

Pourquoi le nierais-je ? Oui, je hais le travail parce que le travail du malheureux est haïssable. C’est quelque chose qui use nos forces et ne nous rend pas de quoi les réparer. Le travail de celui qui n’a que des bras ! Oh ! si tu savais ce que c’est, jeune homme ! si tu savais que plus l’homme est pauvre, malade et faible, plus on l’accable, plus on exige de lui, et moins on le récompense ? Oh ! si tu avais passé par là, tu ne t’étonnerais pas que le plus pauvre des hommes soit