Page:Sand - Questions politiques et sociales.djvu/216

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écrasé, anéanti par la souffrance : la patrie était en danger plus qu’elle ne le fut jamais à l’aurore de notre République, car la honte pesait sur nous et la honte est mortelle à cette nation qui s’appelle la France. Hier, tout semblait perdu, et ceux mêmes qui voyaient de près la puissance du mal la croyaient établie pour longtemps encore. Bien peu triomphaient dans leur démence ; beaucoup s’alarmaient vaguement du lendemain : aucun ne se sentait la force de résister. La plupart de ceux mêmes qui possédaient cette puissance impie étaient plus près d’applaudir à sa défaite que d’aider à son triomphe ; car, Dieu en soit loué ! brave peuple, tes vrais ennemis ne sont pas nombreux : partout l’impie est un être d’exception, et celui-là seul qui ne connaît pas Dieu méconnaît son semblable.

Tu as été grand ! tu es héroïque de ta nature ; ton audace dans le combat, ton sublime mépris du danger, n’étonnent personne. Personne au monde n’eût osé nier hier les prodiges que tes vieillards, tes femmes et tes enfants savent accomplir. Mais, hier encore, toutes les aristocraties du monde avaient peur de toi, et, doutant de ta clémence, pensaient qu’il fallait arrêter ton élan, ceux-ci par les armes de la violence, ceux-là par les armes de la ruse. Tu avais prouvé cependant déjà que tu savais vaincre et pardonner ; mais on avait accumulé tant de maux sur ta tête, depuis dix-huit ans surtout, on avait laissé commettre tant de forfaits contre toi, qu’on regardait ta vengeance, sinon comme légitime, la vengeance ne peut jamais