Page:Sand - Questions politiques et sociales.djvu/324

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briser sous leurs pieds sans la voir, et elle recevra des gouttes du sang français sur sa robe de pourpre. Chère petite fleur ! chère Italie ! je sentis mes veux pleins de larmes. Je pleurais de ne pouvoir être un soldat !

Oui, chère Italie, sœur de la France, on naît chez nous avec ton amour dans le cœur. C’est un instinct passionné qui lutte et qui souffre comme le tien lutte avec l’amour de la liberté. Quand on met le pied sur ton sol et que l’on te voit éteinte et comme morte sous le poids de l’étranger, on est tenté de te maudire et l’odeur de tes sépulcres vous navre et vous glace. Mais, si tu fais, un mouvement, si tes morts ressuscitent, si tes enfants accablés se relèvent, si tu jettes un cri d’appel et de détresse vers nous, à son tour, notre sang se ranime et bouillonne. Oui, c’est bien une voix du sang, et nous volons vers toi, entraînés par une puissance qui ne raisonne plus, et qui fait bien de ne pas raisonner.

Raisonner sur quoi ? Elle est tombée par sa faute, cette infortunée ? elle nous a méconnue souvent ? elle a été victime de mille erreurs ? elle a été égarée par la superstition, paralysée par le dégoût, vaincue par les délices de son climat, endormie par les pompes de son culte et l’orgueil de ses beaux arts ? — Soit, c’est possible ; mais la voilà qui souffre et qui crie. Entendez-vous ? on la brise, on la torture, cette reine déchue de l’ancien monde, cette déesse de l’intelligence, source immortelle du feu sacré des nations ! Courons, il faut la sauver. Quelle âme française peut se fermer